CANNES 2007/La Semaine de la critique / "Parpados azules" + "Expired"
Les deux films projetés ce soir ont des choses en commun et une grande différence, le premier est un film intéressant et créatif, le second une épreuve à regarder En commun, un univers misérabiliste, la solitude excessive des protagonistes, lhistoire damour improbable entre deux solitudes. Si le premier film espagnol ("Parpados Azules") est fin et plein dhumour, bien interprété et souvent juste, le second film américain ("Expired") est tout le contraire, nhésitant pas à barboter dans la vulgarité.
"SALIVA"** dEsmir Fihlo (Brésil) court-métrage
Sur le thème du premier baiser entre deux préadolescents, cest loccasion dune longue démonstration esthétique à la rechercher dune sensualité forcée qui ne convainc pas. Le final noyé dans leau rachète en partie le film.
"PARPADOS AZULES"*** ("Paupières turquoises") dErnesto Contreras (Espagne)
Employée dans une fabrique duniformes, Marina gagne le grand prix annuel de lentreprise : un voyage pour deux personnes à Playa Salamandra, destination paradisiaque sous les cocotiers. Le problème, cest quelle ne sait pas avec qui partager son prix. Empoignant son téléphone, Marina se rend compte quelle a perdu de vue depuis longtemps tous les gens quelle essaye de joindre. Se résignant à téléphoner à proposer à sa sur de laccompagner, cette dernière essaye de lui extorquer son voyage pour elle et son mari. Dépitée, Marina se souvient de la rencontre inopinée la veille Victor, avec un ancien camarade de classe quelle na pas reconnu mais qui a insisté pour lui laisser ton numéro de téléphone, cest lui quelle va inviter !
Victor, émoustillé, accepte aussitôt de partager le voyage de Marina et propose quon profite des quelques jours restants pour faire connaissance avant le grand départ. Cest loccasion dune série de sorties, pique-nique, cinéma, boite de nuit, où les deux cherchent vainement quelque chose à se dire, Victor, obsédé par ses années de collège, Marina par le prochain voyage. Une séance de cinéma va pourtant les rapprocher un tantinet, les deux dans la salle, fascinés par le couple quils voient à lécran, vont sen inspirer pour essayer de jouer à lamour mais la transposition fonctionne médiocrement
Victor et Marina sont identiques, vieux garçon et vieille fille, vivant seuls chacun dans un appartement lugubre à faire la navette entre leur boulot ingrat, elle plie des blouses, il fait des photocopies, et leur repas seuls devant leur télé. Cest un sujet en or, celui de la fabrication dune relation dans le but de remplir la fiche de lagence de voyages et de correspondre au profil du couple idyllique gagnant un voyage de rêve où tout serait luxueux et gratuité. Comment lirruption du rêve dans une réalité monotone et lugubre mais moralement confortable va provoquer plus de désordres que de bonheurs, forçant Marina a faire le bilan dune vie affective déserte et Victor à sortir la tête dune enfance idéalisée.
Bien que le film soit beaucoup trop riche, voire confus en éléments scénaristiques, comme cette vieille dame mourante, propriétaire de la fabrique de blouses qui alourdit le récit, limage va en sens inverse de cette richesse vers le dépouillement excessif des décors. Avec un thème pareil, deux directions étaient possibles, la comédie ou le drame, pendant la première partie du film, on est en équilibre dans la tragi-comédie avec beaucoup dhumour et dautodérision mais le cap change en cours de route pour un récit nettement moins humoristique, plus dramatique, le réalisateur nayant pas pu choisir, ce qui égare un peu le spectateur
Ces restrictions faites, le film est inventif et touchant, les acteurs complètement crédibles, les situations souvent piquantes car on a tous quelque chose de Marina et de Victor en nous Cest là ou le film tape juste, avec la part de misère affective, morale, sexuelle en chacun prenant du relief sur le fond dune société de consommation qui vend du rêve avec des lessives.
"CHAMBRE 616"** de Frédéric Pelle (France) court-métrage
Un homme daffaires ruiné se tire une balle dans la bouche et provoque chez ses voisins multe pertubations : un enfant trouve une douille, un couple une lettre dadieu, un voisin sa voisine mère de lenfant, etc.. Un film en noir et blanc trop long ou trop court...
"EXPIRED"* de Cecilia Miniucchi (USA)
Voilà le morceau de bravoure de la soirée : quand on voit Jason Patrick au générique, on est plutôt content, et puis Une jeune femme effacée, officier de stationnement, détestée, comme tous ses pairs, parce quelle met des PV sur les voitures toute la sainte journée, rencontre un collègue play-boy caractériel : point de départ de lhistoire, on en restera là, le film ne commençant jamais, il paraîtra interminable Malheureusement, ce vide nest pas tout, le film est truffé de situations auxquelles on ne croit pas une minute et de personnages archétypaux tellement outrés quon a du mal à les trouver sympathiques.
Deux personnages aux antipodes, Claire, virginale nunuche trop gentille va rencontrer Jay, bellâtre obsédé sexuel, irascible et parano Deux caricatures, lune vit avec sa mère infirme, lautre se masturbe devant des sites pornos, elle est anti-sexy, aspirante Mère Teresa et habillée comme un sac, il est beau comme un dieu, père dun fils star de MTV et méchant comme une teigne Elle na jamais connu dhomme, il na pas lhabitude de la gentillesse dune femme, ces deux là vont susciter les gags nécessaires à la fabrication dune comédie Notons que, tout comme le film précédent et bien dautres, on a cédé à la mode des logements lugubres éclairés par une ampoule de 3 watts, autrefois, tous les appartements dans les films étaient trop luxueux, pas en rapport avec le profil des personnages, ça sentait le décorateur de Hollywood, maintenant, cest le contraire, on est en plein trip déco misérabiliste.
Noël est loccasion de tous les excès, les guirlandes de fête publicitaires kitch et le sapin bancal acheté sur catalogue chez Claire, la mère morte le nez dans sa purée le soir du réveillon, la robe sexy portée sur un horrible tricot blanc. Le film nest pas exempt dun mauvais goût certain, des insultes des automobilistes aux nains de jardin de la tante monstrueuse en passant par les images des sites pornos de Jay et des échanges en général. Pour couronner le tout, les dialogues tournent en boucle, on répète les mêmes phrases, on rejoue les mêmes scènes, à peu de choses près, et après avoir pris en otage la patience du spectateur pendant près de 2 heures, on coupe sec, générique de fin, enfin
Impossible de se souvenir dun bon moment dans ce film, drôle de choix dans une sélection pourtant performante, le genre de pensum à éviter absolument