"L'Homme de sa vie" : collages et dépendances

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Charles Berling et Bernard Campan. Pan Européenne Edition
Le film commence avec le plan d’un enfant portant un masque, un loup rouge, une fois, deux fois trois fois… Puis on en vient à filmer le haut d’un placard, on y revient… D’entrée, c’est désagréable à regarder, il ne s’est pas écoulé deux minutes que c’est déjà pesant… Je ne sais pas très bien pourquoi d’ailleurs, un pressentiment?

Ensuite, la réalisatrice campe le décor et y installe les protagonistes du film, une bande de couples amis qui ont loué une maison de campagne pour les vacances, et là, on insiste sur deux choses : les enfants représentés surtout par leurs voix, leurs cris, leurs jeux, et le couple Léa Drucker/Bernard Campan dans sa chambre avec l’épouse désarmante de bonne volonté et le mari qui dort tout le temps.

Tout ça est très lent pour une unique raison : la profusion d’images surnuméraires du poétique à l’onirique en passant par la carte postale et le déjeuner sur l’herbe qui interrompent sans cesse le récit : la réalisatrice s’enivre d’images dont pas une seule ne s’intègre harmonieusement à l’ensemble, un tour de force!

Léa Drucker et Bernard Campan. Pan Européenne Edition

Le film est à peu près classique et soudain, un effet, on revient au récit, puis, un autre effet, et c’est ainsi tout le long du film, le problème, c’est que non seulement, ça plombe le film mais que toutes ces images insérées sont de styles différents comme dans un bazar où on vendrait un peu de tout, un kaléidoscope d’influences de tous les horizons. On dirait que chaque fois que Zabou a aimé une figure de style, elle l’a repiquée sur son film.

Au menu… On filme un ballon dans le champ, aller et retour du ballon, on ne voit rien d’autre sur l’écran, retour au récit. Soudain, un corps nageant dans la rivière est filmé comme inclus dans de l’eau gélatineuse avec des reflets mauves, sans doute la représentation du fantasme du corps de Hugo, retour au film. Plus loin, on passe à un autre style, quoique les deux visages des hommes se superposant dans l’eau en soufflant des bulles, comme une gargouille à deux têtes, pourraient peut-être avoir une parenté avec le corps dans la rivière, dans tous les cas, on revoit tous ces plans créatifs deux fois dans le film, pour ceux qui auraient embrassé leur voisin pendant ces démonstrations lyriques, ça fait une session de rattrapage… Au milieu du film, les personnages apparaissent à l’écran comme des images d’un missel et stop, retour au film. Autres exemples de greffes d’images : Un immense champ de tournesols envahit l’écran (variante aussi avec un champ de blé)… Ou bien tout d’un coup, on ne filme que des jambes… Passons sur le corps d’un homme nu suspendu dans le vide… Quand Hugo ouvre la porte de la maison, il est filmé la tête posée sur un horrible fond rouge sang comme un portrait… Dans la lignée de l’idée qu’on se fait du cinéma d’auteur, on repasse des scènes filmées d’en bas, d’en haut, Frédéric accueille Hugo, plus tard, on rejoue la même scène vue de la chambre de sa femme.

Charles Berling, Bernard Campan et Léa Drucker. Pan Européenne Edition

Est-il besoin de préciser que ces images coupent le fil du film un peu au hasard du montage, on les aurait greffées ailleurs que ça n’aurait rien changé, on les aurait supprimées, ça, oui, c’était la bonne idée... Pour faire avec son temps, on filme par ci par là des écrans : celui du téléphone portable avec une petite enveloppe stylisée à chaque texto, celui de je ne sais quel appareil de réanimation à l’hôpital.

Pendant ces temps de diversion digression, la vie des personnages rétrécit, petit à petit, dans cet univers exigu assez claustrophique, les personnages secondaires sont zappés, ne restent que trois personnages pour deux couples : Frédéric et Frédérique dans leur chambre.. Frédéric et Hugo assis sur des chaises dans le jardin… Frédéric et Hugo courant dans les bois en jogging. Hugo face à sa table au téléphone avec sa mère… Et ça tourne en boucle.

Asphyxiée par tant de maniérisme et de complications, une histoire d’amour entre deux hommes tente de se faire une petite place… Quand Frédéric, marié à Frédérique, épouse et mère modèle,fait la connaissance d’Hugo, leur séduisant voisin, il est d’emblée sous le charme. Les deux hommes multiplient les apartés sans oser s’avouer à eux-mêmes leur attirance pour des raisons inverses : Frédéric ignore tout de son homosexualité mais croit à l’amour, Hugo, au contraire, l’affiche bruyamment mais il refuse l’amour, traumatisé par son enfance. Dès son arrivée dans l’histoire, Hugo est stigmatisé par la caméra comme l’étranger dont il faut se méfier, c’est lourd… Le couple Berling/Campan fonctionne mais la réalisatrice semble gênée par son sujet, les conversations entre les deux hommes s’éternisent et l’emballage onirique décrit plus haut fige l’histoire en une série de tableaux peu propice à l’émotion qu’on ne laisse pas s’installer chez le spectateur, bien que quelques scènes y parviennent grâce à la sensibilité de Charles Berling au dessus de la mêlée.

Je lisais les statistiques des entrées d’hier mercredi avec un nombre d’entrées infiniment petit pour tous les films, c’est dommage parce «Un Crime» de l’autre côté de la rue avec le couple torride Harvey Keitel et Emmanuelle Béart,dans une réalisation plutôt novatrice intimiste, c’est très nettement la pointure au dessus…


Bernard Campan et Léa Drucker. Pan Européenne Edition

Mini-Pitch : pendant des vacances en famille à la campagne, un homme marié tombe amoureux de son séducteur de voisin.






Publié dans Films 2006

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V
Mes vives félicitations pour votre site! Ça m'a beaucoup aidé et plu, surtout que tous vos partages sont intéressants. Longue vie à votre site. Surtout ne vous découragez jamais ; votre blog est vraiment au top !
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D
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