"Jeune fille" d'Anne Wiazemsky : littérature et cinéma culte

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"Au Hasard Balthazar" de Robert Bresson (1965)

Non seulement Anne Wiazemski, petite fille de François Mauriac, a épousé Godard à 19 ans mais elle a été découverte auparavant par Bresson… Icône du cinéma d’auteur des années 60/70, elle tournera avec Godard, Pasolini, Ferreri, Garrel, rien que des films cultes… Ayant opté pour la littérature depuis une dizaine de romans, elle n’avait jamais jusqu’à maintenant puisé dans sa biographie pour écrire ses livres, et pourtant, elle aurait pu écrire une bonne part de l'encyclopédie du cinéma...

Présenté comme un récit autobiographique écrit à la première personne «Jeune fille» est en réalité un roman tiré de l’expérience cinématographique d’Anne W avec Robert Bresson. A 17 ans, son amie Florence Delay, ayant elle-même joué auparavant dans «Le procès de Jeanne d’arc» de Bresson, lui présente le maître. Bresson cherche alors une actrice non professionnelle pour jouer dans son prochain film «Au Hasard Balthazar» avec pour partenaire un âne... Après de multiples rencontres et autant d'interminables conversations au téléphone, Bresson propose le rôle principal de son film à Anne W. C’est la période de ce tournage qu’occupe le roman «Jeune fille».

Le portrait de Robert Bresson, personnage tatillon et tyrannique, vieil enfant capricieux et égocentrique, tour à tour odieux et charmant, est assez sidérant. Ayant décidé de tourner dans le sud, il emmène Anne W partager deux chambres avec salle de bains commune chez l’habitant, le reste de l’équipe logeant à l’hôtel. Une relation fusionnelle s’installe entre les deux démarrant sur le registre de la séduction platonique pour évoluer vers une sorte d’amitié exclusive. Pour échapper à l'emprise de cet homme de 64 ans, Anne W séduit un jeune homme de l’équipe et se débarrasse de sa virginité le temps du seul week-end où Bresson l'autorise à rentrer à Paris, non sans dramatiser son départ. L’aventure tournera court, le jeune homme pleutre, qui, d’ailleurs, préfère ses pairs, ne voulant pas contrarier Bresson sur le tournage.

Un jour que Bresson fulmine qu’il n’a pas le temps de le recevoir, sa productrice lui impose la visite d’un Jean-Luc Godard admiratif. Scène très drôle où Bresson répond systématiquement qu’il n’a rien lu ou vu de ce dont lui parle Godard pour s’en débarrasser. Plus tard, Anne W apprendra que c’était elle que Godard venait voir, étant tombé amoureux de sa photo publiée dans «Le Figaro ». Quand Anne W épousera Godard deux ans plus tard, elle se fâchera avec Bresson qui lui avait fait promettre de ne tourner qu’avec lui et comptait lui offrir le rôle de Guenièvre dans "Lancelot du lac".

Un livre de facture classique, sensible, grave et léger, pudique, allègre, dont on se dit que le style correspond à la façon dont on écrivait à l’époque, sagement, sans exhibition, sans confidences trop intimes, sans scandale. Cependant, on se fait une idée précise de l’ambiance du tournage d’un film d’auteur des années 60 : peu de moyens, un réalisateur tout puissant, des acteurs non professionnels à qui on demande de ne pas jouer. Bresson exige de ses interprète de conserver une voix neutre de récitant, de ne surtout pas mettre d’intention en parlant, visant une sorte de théatralité au cinéma. Bresson voulait filmer l'âme de ses acteurs, notamment en les gardant avec lui en tête à tête le temps du tournage et en les épuisant à retourner les scènes jusqu'à les modeler à sa manière. Anne W, loin de s'insurger, n'essaye pas de jouer, elle obéit aux directives de Bresson qui la cite en exemple "vous êtes parfaite".

Anne W dit dans une interview que bien après avoir joué avec Godard («La Chinoise», «One+one», «Tout va bien" ), Pasolini («Théorème», «La Porcherie»), Ferreri («La semence de l’homme»), elle se rend compte qu’elle ne sait pas jouer et elle va prendre des cours de comédie pour apprendre les rudiments du métiers d’acteur.

Ce qui est magistral dans ce livre, c'est sa simplicité et sa juvénilité. Non seulement on est immergé naturellement dans l’univers de Bresson mais l’auteur parvient à éviter le piège de la nostalgie, les souvenirs sont joyeux, plein de vie et d’espoir, le film d’une époque bénie, comme si Anne W avait réussi le temps d’un roman à redevenir cette jeune fille de 18 ans…

Juliet Berto, Anne Wiazemsky et Jean-Pierre Léaud : le casting mythique de "La Chinoise" (1967) de Godard, film militant jargono-maoiste dont Anne W dit elle-même qu'avec Juliet Berto elles ne comprenaient pas la moitié de leur texte...




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