Peter Whitehead filme Led Zeppelin live au Royal Albert Hall (1970)
Quel grand moment que ce concert des Led Zep qu'on passait ce soir à la Cinémathèque française dans le cadre de l'hommage au cinéaste Peter Whitehead... Quand après un immense solo de batterie, Robert Plant entame «Whole lotta love», cest le nirvana
Janvier 1970, le groupe Led Zeppelin formé en 1968 à partir des anciens Yardbirds (dont Eric Clapton parti fonder le groupe Cream), renommé à la hâte les New Yardbirds, puis Led Zeppelin, revient chez lui après avoir sillonné les Etats-Unis où il a acquis la notoriété quil ne trouvait pas en Angleterre trop focalisée sur les Stones. Le manager du groupe Led Zeppelin, Peter Grant, demande à Peter Whitehead qui a déjà fait des clips pour les Stones et Jimi Hendrix, de filmer leur concert au Royal Albert Hall en janvier 1970. Une demande paradoxale quand on connaît luvre de Peter Whitehead, artiste et cinéaste expérimental, dont lunivers ne collait pas avec celui de Led Zep qui se cherchait. Dailleurs, le groupe fut très mécontent du résultat, trouvant le film trop sombre Plus probablement, il semble que le groupe, qui navait pas encore eu le temps en 1970 de se fabriquer une image sulfureuse, malgré la réalité de ses tournées souvent scandaleuses, na pas apprécié son look dans le film. En témoigne le pullover jacquard ringard de Jimmy Page pendant le concert
Les quatre membres du groupe mythique et emblématique des années 70 sont alors très jeunes : deux ont 22 ans et viennent de la banlieue de Birmingham : Robert Plant, le chanteur et John Bonham (Bonzo), le batteur. Le âgé et lancé, cest Jimmy Page, le guitariste, qui a déjà beaucoup travaillé en studio et faisait déjà partie des anciens Yardbirds avec Eric Clapton et Jeff Beck Le bassiste John Paul Jones, dont les parents jouaient de lorgue dans les paroisses, est le plus discret des quatre et le restera : dans le film dailleurs, pour cause de seulement deux caméras, cest lui quon voit le moins à larrière.
Cest sûr que le look de Led Zep nexistait pas et on peut comprendre quils naient pas apprécié de se voir tels quils étaient à lépoque quand Peter Whitehead leur à remis son film (quils ont refusé de payer ). Le fameux pull jacquard sans manches dun Jimmy Page, pas encore déguisé en rock star, pas encore accro à lhéroïne, est assez touchant, en lainage ordinaire à carreaux blanc, marine et bordeaux, sur une chemise blanche et un pantalon noir, seul, la grosse boucle en argent dun ceinturon en cuir trahit linfluence hippie. Jimmy Page comme Robert Plant portent les cheveux incroyablement longs, Plant, en pantalon beige et simple chemise noire, un mince collier en argent, est bouclé, roux comme une sorcière avec son incroyable voix allant du rauque au suraigu et un regard jeune, assez gentil, quon ne lui reverra plus. Plant débarque sur scène avec une cigarette, le batteur John Bonham, débardeur rouge, petite moustache, cheveux de jais, en grille une entre deux, ça fait du bien... à lheure de linterdiction parano de fumer en France depuis le 1er février Le bassiste John Paul Jones est peut-être le seul à porter des vêtements de la mode hippie de lépoque : pantalon en velours noir, chemise en soie imprimée à fleurs, cheveux mi-longs dégradés
Le film de Peter Witehead était peut-être trop sombre pour Led Zep mais il est assez magnifique. Filmant avec deux caméras, lune devant la scène et lautre à larrière de la salle, le cinéaste a su capter les gestes et les mouvements de chacun dune façon sublime : par exemple, Bonham pendant son solo de batterie, quand, tapant à mains nues, transporté par son impro, ses mains semblent semmêler à toute vitesse dans ses cheveux quil a très noirs et très lisses. Ou Jimmy Page, le visage totalement dissimulé par un rideau de longs cheveux bruns, avec la guitare blanche qui brille, seule, dans le noir, incroyable solo de guitare qui voit à moment donné Page utiliser un archet de violon...
Le film alterne les images du concert, davantage des personnages isolés que du groupe dans son ensemble avec, de temps en temps, de superbes arrêts sur images, succession de photos figeant un geste, une attitude, et vers la fin du film, on ose ces sortes de photos instantanées du concert colorées et tendant vers la peinture. Les tons sont sombres, du noir éclairé de rouge, la chevelure de Plant virant au orange, les zooms nombreux, les gros plans sur les détails comme les mains de Jimmy Page sur sa guitare. Page est sans doute le personnage qui intéresse le plus Whitehead (par la suite, Jimmy Page a une aura aussi sombre que Keith Richards, accusé comme lui de pratiquer le spiritisme) quil filme aussi de face et de profil en alternance (très belles images). Bien que la photo publiée sur le blog montre la salle de concert, les plans du public sont très rares, on dirait que Peter Whitehead se rappelle vers la fin quil faut aussi montrer la salle.
Peter Whitehead, artiste multiforme, cinéaste davant-garde, plasticien et romancier ou encore traducteur de Jean-Luc Godard , a réalisé des films scientifiques, des clips, des documentaires, etc... «The Perception of life» est un essai scientifique. «Wholly communion» raconte une soirée de poésie avec Allen Ginsberg et les poètes de la beat génération. «Charlie is my darling » une tournée des Stones en Irlande. «Benefit of the doubt», la tournée de Peter Brook avec la pièce «US» contre la guerre du Vietnam. Une de ses uvres les plus célèbres,«Tonite, lets all make love in London», est un documentaire sur limposture du swinging London auquel il oppose la contre-culture. Cest lui qui a inspiré à Antonioni le personnage de David Hemmings dans «Blow up»
La cinémathèque française rend hommage à Peter Whitehead tous les vendredis soir du 10 janvier au 10 mars. La salle était comble pour la soirée «Led Zeppelin live at the Royal Albert Hall» présentée par le passionnant François Bon Je suis arrivée sur les talons de Jackie Berroyer, qui comme moi, navait pas de place mais ça sest arrangé, pour ma part, jai trouvé un strapontin
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Albums les plus fameux de Led Zeppelin : Led Zeppelin I (1969), II (1970 avec «Whole lotta love»), IV (1971 avec «Staiway to heaven») et «Houses of the holy» (1973) Il y en a une dizaine en tout Le groupe se sépare après la mort par surdose dalcool de John Bonham (le batteur) en 1980.
Cinémathèque française, hommage à Peter Whitehead...